jeudi 1er décembre 2005, par Erwan Tanguy
Le Monde_____
La destruction de bâtiments construits illégalement dans le pays se poursuit, comme ici à Plumtree, dans le sud-ouest. Cette politique "d’assainissement" aurait jeté à la rue, selon l’ONU, plus d’un million de personnes.
Ce que je vois du ciel, je ne le regarde pas
Ce que j’ai eu sur terre ne m’appartient plus
Ne me reste que le corps
Ma main pour tenir la tête
Là je suis dans la salle principale de ma maison, de ce qui était ma maison, et je pourrais être en rage, nourrir ma haine, devenir sauvage, mais je reste assis, ma tête dans la main, le regard flou, vous regardant me regarder, vous regardant me saisir comme si j’avais encore quelque à saisir
Mon corps - mais il est vide
Mon expression - mais elle est terne
Vous saisissez de moi cette mélancolie soudaine, je ne suis plus capable de faire, de me battre déjà, j’ai abandonné, mais je ne sais même pas mourir ou disparaître, je n’arrive qu’à être là, uniquement là, sans d’autres possibles, et ce que vous saisissez de moi c’est cette impression que j’exprime un sentiment de chez vous, mais vous n’avez pas le monopole de la mélancolie, je suis anéanti, pauvre des plus pauvres, ma maison est un souvenir, ce que j’y avais dedans aussi un souvenir, et je ne me bats pas, ne semble plus résister, abattu
De mes meubles rares il ne reste rien, je suis assis sur une pierre, pour ainsi dire sur un bout du mur effondré, qui s’étale maintenant sur l’espace de la salle principale, là où, avant, il y a peu encore, je mangeais, pour le peu que je pouvais manger, que j’arrivais à manger, le peu qu’il y avait
Hélas oui souvent nous avons le monopole de la famine, et ce que vous saisissez de moi c’est votre acharnement à nous exploiter
Non ?
Je ne peux pas dire cela
Le mot « exploiter » est banni, politiquement incorrect, désuet
Je ne veux pas me battre contre vous
N’en ai ni la force ni la volonté
D’autres le feront peut-être
Je l’espère pour vous
Que vous ayez au moins la possibilité de demander votre pardon
Avant que cela aussi soit désuet
Moi j’attend
Et je n’attend rien