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Ennui - photographie 4

jeudi 1er décembre 2005, par Erwan Tanguy


JPG - 51.2 ko
Zimbabwe 20 juin 05

Le Monde_____

La destruction de bâtiments construits illégalement dans le pays se poursuit, comme ici à Plumtree, dans le sud-ouest. Cette politique "d’assainissement" aurait jeté à la rue, selon l’ONU, plus d’un million de personnes.

Ce que je vois du ciel, je ne le regarde pas
Ce que j’ai eu sur terre ne m’appartient plus
Ne me reste que le corps
Ma main pour tenir la tête

Là je suis dans la salle principale de ma maison, de ce qui était ma maison, et je pourrais être en rage, nourrir ma haine, devenir sauvage, mais je reste assis, ma tête dans la main, le regard flou, vous regardant me regarder, vous regardant me saisir comme si j’avais encore quelque à saisir
Mon corps - mais il est vide
Mon expression - mais elle est terne

Vous saisissez de moi cette mélancolie soudaine, je ne suis plus capable de faire, de me battre déjà, j’ai abandonné, mais je ne sais même pas mourir ou disparaître, je n’arrive qu’à être là, uniquement là, sans d’autres possibles, et ce que vous saisissez de moi c’est cette impression que j’exprime un sentiment de chez vous, mais vous n’avez pas le monopole de la mélancolie, je suis anéanti, pauvre des plus pauvres, ma maison est un souvenir, ce que j’y avais dedans aussi un souvenir, et je ne me bats pas, ne semble plus résister, abattu

De mes meubles rares il ne reste rien, je suis assis sur une pierre, pour ainsi dire sur un bout du mur effondré, qui s’étale maintenant sur l’espace de la salle principale, là où, avant, il y a peu encore, je mangeais, pour le peu que je pouvais manger, que j’arrivais à manger, le peu qu’il y avait
Hélas oui souvent nous avons le monopole de la famine, et ce que vous saisissez de moi c’est votre acharnement à nous exploiter
Non ?
Je ne peux pas dire cela
Le mot « exploiter » est banni, politiquement incorrect, désuet

Je ne veux pas me battre contre vous
N’en ai ni la force ni la volonté
D’autres le feront peut-être
Je l’espère pour vous
Que vous ayez au moins la possibilité de demander votre pardon
Avant que cela aussi soit désuet

Moi j’attend
Et je n’attend rien

1 Message

  • Ennui - photographie 4

    14 février 2006 14:00, par Sylvian Bruchon
    Dans ces cas-là, si on reste, on meurt ; si on s’en va, un autre prend la place. Que faire quand on a ni la force de partir ni le courage de rester ? Comment s’arracher à sa ruine quand on ne peut plus bouger ? Que peut-on espérer quand on n’a ni le désir de recommencer ailleurs ni le goût de reconstruire sur le même ? Comment partir et rester en même temps ? On est livré au vide soudain, au gouffre sans fin. Et pourtant on a brûlé des bâtons d’encens. On regarde les autres autour et ils sont désemparés aussi. Aucune maison n’a été épargnée. Aussi loin que porte le regard, elles ont toutes mordu la poussière. Si on habitait la maison d’à-côté, on serait assis sur la même. Alors si on allait s’asseoir sur la ruine du voisin, ce serait pareil. Échanger sa ruine contre la ruine de son voisin. Partir et rester en même temps. Se lever et aller s’asseoir chez le voisin. Et laisser le voisin se lever et aller s’asseoir chez soi. Mais se lever déjà...

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